Marché des grains Le blé français agressif à l’exportation
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les céréales « décrochent » encore un peu cette semaine, le blé et l’orge affichant une bonne compétitivité à l’exportation.
Nouvelle baisse cette semaine des blés
Ce sont les prix américains qui mènent la danse en abandonnant encore 7 à 9 $/t selon les qualités. Et ce malgré le retard important qu’affichent désormais les opérations de récolte des blés de printemps aux États-Unis : 55 % de surfaces moissonnées au 3 septembre contre 78 % en moyenne sur les cinq dernières années.
Les stocks de l’ancienne campagne sont importants aux États-Unis et la récolte en légère hausse mais les blés américains sont encore beaucoup plus chers que leurs concurrents : ils ont besoin de gagner en compétitivité. Et c’est probablement ce qui les pousse vers le bas actuellement, les conditions correctes de développement du maïs pesant également.
Cette pression américaine pèse sur les autres origines qui perdent 3 $/t en mer Noire, à 186 $/t pour les blés russes à 12,5 % de protéines, 180 $/t pour les blés ukrainiens, et 4 $/t Fob Rouen à 180 $/t. La tendance baissière ne laisse plus de marbre les prix russes, maintenant que les déboires concernant le volume de la récolte sont mieux cernés en Russie. Cette chute des prix est aussi renforcée par la baisse du rouble et de l’euro face au dollar.
Le blé français affiche donc une valeur en baisse de 4 €/t sur la semaine rendu Rouen à 158,5 €/t (base : juillet). Le marché physique s’est affaissé moins fortement que l’échéance de septembre sur Euronext (–6 €/t), influencée par sa clôture proche (la semaine prochaine). Les blés français sont perçus comme très agressifs sur le marché mondial, ce qui est favorable pour les exportations à venir que ce soit vers les pays tiers et les autres membres de l’Union européenne. Le blé français est devenu moins cher cette semaine que les blés anglais ou bulgares à destination de l’Espagne.
Une bonne demande en blé
Les statistiques hebdomadaires, publiées par la Commission européenne, chiffrent les exportations communautaires à 3,6 millions de tonnes désormais, contre 3 millions de tonnes à la même date l’an dernier. Ces données hebdomadaires sont à prendre avec des pincettes car ils reflètent parfois avec retard les exportations effectives mais ils constituent toutefois un indicateur de l’amélioration des performances de l’Union européenne.
La Russie, de son côté, a exporté 8 millions de tonnes, environ 0,5 million de tonnes de moins que l’an dernier en cumul sur juillet août. L’Ukraine a exporté environ 1 million de tonnes de plus, démarrant sa campagne sur les chapeaux de roue. La demande n’est donc pas en berne par rapport à l’an dernier, et devrait même monter en puissance au cours des mois à venir étant donné la bien meilleure compétitivité du blé par rapport au maïs en alimentation animale, à l’échelle communautaire mais aussi mondiale. La demande industrielle remonte elle aussi, au Royaume-Uni par exemple où le blé est en passe de reprendre des parts de marché au maïs pour la production d’éthanol.
L’Arabie vient de lancer un appel d’offres pour 595 000 tonnes de blé : elle recherche du blé à haute teneur en protéines (12,5 % au moins). Il sera intéressant de voir si la Russie parvient à se positionner depuis que les exigences en taux de punaises (bug damage) ont été réduites par l’Arabie. La probabilité pour cela est cependant assez faible car les chargements russes ont du mal à descendre aussi bas que 0,5 %, niveau requis par l’Arabie, sur ce critère.
Dans ce contexte, il se pourrait que la période de « dégagement » caractérisée par les fortes baisses de prix soit bientôt terminée et que des facteurs de soutien viennent prendre le relais d’autant que la situation reste sèche dans l’est de l’Australie et que des incertitudes politiques apportent de l’ombrage aux perspectives d’exportations argentines. À noter aussi le retard des moissons au Canada : dans le Saskatchewan, 4 % des surfaces sont récoltées contre 20 % en moyenne sur les dix dernières années à cette période. Ces retards commencent à susciter des inquiétudes concernant la qualité des blés restant à récolter.
Les orges aussi se battent
Après la stabilisation de la semaine dernière, les prix des orges françaises repartent en baisse, de 4 €/t rendu Rouen (147,5 €/t en base juillet). Cette nouvelle chute les conduit vers le niveau de 169 $/t Fob Rouen, soit 10 $/t en dessous des orges de la mer Noire. Néanmoins, la demande est modérée, et contrairement au blé, les perspectives mondiales sont lourdes en orge avec d’importants stocks de fin de campagne attendus chez l’ensemble des exportateurs. Cette situation devrait continuer de peser sur les prix sauf si le blé remontait nettement.
Sur le créneau brassicole, les prix ont aussi chuté de 3 à 4 €/t pour la récolte de 2019, aussi bien pour les variétés d’hiver à 154 €/t Fob Creil que celles de printemps à 162 €/t. Cela a aussi poussé les cotations de la récolte de 2020 vers le bas. La demande est largement couverte, ce qui rend le marché atone mais quelques inquiétudes pourraient bien pointer dans les semaines à venir avec le retard de la récolte canadienne qui risque de dégrader la qualité brassicole dans ce pays.
Le maïs suit le mouvement
Le maïs suit la tendance générale de baisse poussé par le blé et l’orge d’une part, mais aussi par la perspective d’une situation mondiale qui va rester lourde malgré les déboires de la récolte américaine. Les prix français perdent 2 €/t Fob Rhin à 157 €/t et 3,5 €/t Fob Bordeaux à 161 €/t (base : juillet) à la suite d’un nouvel affaissement des valeurs mondiales : –5 à 6 $/t pour les maïs américains, ukrainiens, brésiliens et argentins.
Les importations de maïs dans l’Union européenne sont en nette hausse sur juillet août à 3,6 Mt, contre 2,3 Mt en juillet août 2018, notamment en provenance du Brésil et de l’Ukraine. Cela est conforme au déroulement de la campagne de 2018-2019 qui va bientôt se terminer alors qu’on attend une réduction des importations à partir des mois d’automne en raison d’une demande animale beaucoup moins forte en 2019-2020 en raison d’une meilleure compétitivité du blé par rapport aux maïs importés.
Ces derniers jours, l’annonce de discussions possibles entre la Chine et les États-Unis en octobre, une légère recrudescence des affaires sur le marché mondial et la rétention des producteurs qui jugent les prix très bas, semblent venir stopper la baisse des cotations à Chicago. Il conviendra de regarder de près la nouvelle estimation de l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, la semaine prochaine. Le marché anticipe pour l’instant une bonne récolte américaine de maïs, toute déception serait haussière à court terme.
La hausse du colza se poursuit dans l’Union européenne
Les prix européens du colza continuent de grimper (+3,5 €/t rendu Rouen, +3,3 €/t sur Euronext) alors que les mauvais résultats se confirment un peu partout à mesure que les récoltes se terminent. La météo a été néfaste au développement du potentiel des cultures tout au long du cycle. Les chaleurs extrêmes de fin de cycle ont contribué à ces pertes de rendement, limitant le remplissage des grains.
Seule la Scandinavie affiche de bons rendements cette année. Ainsi, la production de l’Union européenne est attendue proche des 17 millions de tonnes, le niveau le plus bas depuis 2006. Le bilan européen de colza est attendu déficitaire en 2019-2020 malgré des importations records et cela devrait encore nettement supporter les cours.
Au Canada, les cotations sont stables sur la semaine dans un contexte climatique globalement bénéfique aux cultures. Les champs ont en effet bénéficié de pluies régulières, malgré quelques zones déficitaires au centre de l’Alberta et à l’est du Manitoba. L’humidité profonde des sols est bien meilleure que sur les deux dernières campagnes et globalement l’état des cultures est plutôt correct, voire bon. Le recul des surfaces laisse néanmoins envisager un recul de plus de 1 million de tonnes de la production.
En Australie, l’état des cultures est désormais préoccupant à l’ouest. À l’est en revanche, les conditions sont meilleures que l’an dernier, notamment dans l’État de Victoria. En Australie du Sud et Nouvelle-Galles du Sud, la situation est plus mitigée mais les potentiels sont toujours meilleurs que ceux de la campagne précédente. La production australienne ne devrait augmenter que très modérément en 2019-2020. Les stocks mondiaux de colza et de canola sont attendus à la fin de 2019-2020 au plus bas depuis de nombreuses campagnes.
Cotations inchangées en tournesol
Les cotations du tournesol sont inchangées ce mois en France, à 325 €/t. Elles s’affichent donc en légère hausse par rapport à la même période la campagne passée. En Roumanie et Bulgarie, la récolte progresse, avec environ la moitié des volumes récoltés à ce stade. Les retours font état d’un rendement particulièrement élevé en Roumanie. En Ukraine, la récolte est effectuée pour environ 20 % des surfaces. À l’ouest de l’Union européenne, la récolte française a tardé à démarrer alors qu’elle est en train de se terminer en Espagne.
La production s’annonce à un niveau record pour l’Europe du Sud-Est en raison de rendement au plus haut niveau historique en Roumanie. Inversement, les rendements sont prévus en baisse en France, et surtout en Espagne, en raison de conditions sèches. La croissance des surfaces devrait assurer une hausse de la production dans l’Hexagone, alors que la baisse des rendements en Espagne conduira très probablement à une chute des volumes récoltés.
Léger recul des cours en soja et tourteau de soja
Les cotations du soja évoluent peu sur la semaine. Les prix à la Bourse de Chicago reculent de 3 $/t sur le rapproché comme sur novembre. La fragilité des relations sino-américaines, la hausse attendue des semis de soja en Amérique du Sud par rapport à 2018, et la continuelle pression exercée par la peste porcine africaine sur la demande mondiale semblent pour le moment maintenir un contexte baissier.
Pourtant, les retours des « crop-tours » aux États-Unis ces dernières semaines laissent envisager un rendement plus bas que ce qui est actuellement projeté par l’USDA. La production de soja des États-Unis pourrait ainsi passer sous la barre des 100 Mt en nouvelle campagne. Les exportations des États-Unis vers la Chine en août ont par ailleurs été bien au-dessus des prévisions du marché, ce qui aurait aussi pu supporter les cours.
La baisse est légèrement plus prononcée pour le tourteau de soja, qui n’est pas insensible à la chute observée pour les cotations du maïs et du blé fourrager sur la semaine. Il recule de 4 $/t à Chicago sur le rapproché. Le tourteau de soja rendu Montoir recule pour sa part de 2 €/t.
Le prix du pois fourrager est inchangé, à 182 €/t départ Eure.
À suivre : compétitivité entre l’Union européenne et la mer Noire, résultat de l’appel d’offres de l’Arabie en blé, avancée des récoltes de tournesol et colza (mer Noire, Union européenne), conditions climatiques au Canada, en Australie et Argentine et leur impact sur la qualité, négociations commerciales sino-américaines, semis de soja en Amérique du Sud
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